Vers une meilleure formation des chirurgiens plasticiens en microchirurgie
De nouvelles méthodes pourraient réduire les coûts et épargner des modèles animaux
Technique chirurgicale complexe et exigeante, la microchirurgie fait appel à des instruments miniatures, des fils de suture aussi fins qu’un cheveu et des microscopes perfectionnés. En chirurgie plastique, elle permet de réparer de petits vaisseaux et nerfs lésés à la suite d’un trauma ou, lors d’interventions reconstructives, de déplacer du tissu vivant d’un endroit du corps à un autre et de reconstituer le système vasculaire de la nouvelle région pour assurer l’irrigation sanguine.
La maîtrise par les résidents des habiletés motrices fines et des compétences nécessaires pour être rompus à la microchirurgie exige une formation répétitive et intensive. Traditionnellement, en chirurgie, la formation repose sur l’approche « voir, faire, enseigner ». Or, depuis quelques années, on s’intéresse de plus en plus à la simulation, notamment pour la microchirurgie, où la marge d’erreur est infime. Actuellement, la formation par simulation en microchirurgie utilise en grande partie des modèles animaux vivants et morts, soulevant des enjeux d’ordre financier, pratique, éthique et d’accessibilité qui persistent par rapport à leur utilisation, en particulier dans des milieux aux ressources limitées.
Passer à des modèles non biologiques pour la formation par simulation
Selon une étude récente qu’a dirigée la Dre Stephanie Thibaudeau, professeure adjointe en chirurgie à l’Université 91, et directrice du programme de la Division de chirurgie plastique et reconstructive au Centre universitaire de santé 91, la formation de futurs chirurgiens avec des simulateurs non biologiques pourrait être une meilleure solution. L’étude a paru dans Plastic and Reconstructive Surgery.
« Notre article brosse un tableau complet de tous les simulateurs non biologiques utilisés pour la formation à la microchirurgie en chirurgie plastique, et fait état de leur efficacité démontrée pour l’acquisition et la mémorisation d’habiletés en microchirurgie », explique Jad Abi-Rafeh, étudiant en médecine à 91 et premier auteur de l’article.
« À la différence de la formation avec des modèles animaux, qui nécessite des laboratoires coûteux, les simulateurs non biologiques ont plusieurs avantages : plus grande disponibilité, facilité d’installation, flexibilité (adaptables à la pratique interrompue), coût minime, entretien minime, absence de risques biologiques, portabilité, potentiel d’usage répété et rangement facile. Le recours aux simulateurs réduit l’utilisation d’animaux et s’avère plus éthique. »
Les chercheurs ont montré que d’utiliser de simples aiguilles à coudre diminuait de 48 pour cent le nombre d’animaux nécessaires pour la formation en microchirurgie, et se traduisait par une performance équivalente sur des modèles animaux par rapport à la seule formation avec des modèles animaux. Un cours de formation recourant à des animaux qu’on complète d’exercices avec des cartes de pratique donne lieu à une réduction de 50 pour cent des coûts associés à la formation en microchirurgie, à une baisse de l’utilisation et de la mort d’animaux, ainsi qu’à l’amélioration de la performance plus tard sur des modèles animaux.
Le recours à des tubes en silicone a produit des résultats équivalents en formation avec modèles animaux dans le cadre d’exercices d’évaluation d’anastomoses sur des rats, et les habiletés apprises ont été retenues durant les quatre mois suivants.
Préparer la mise en œuvre
« Les résultats de notre étude nous rapprochent d’un nouveau cursus de microchirurgie uniformisé, éthique, accessible et objectivement mesurable destiné aux programmes de résidence modernes », avancent les auteurs. « La prochaine étape serait de concevoir un programme de formation fondé sur divers simulateurs non biologiques et maximisant l’utilisation de différents modèles de complexité progressive pour enseigner de façon graduelle des habiletés croissantes en microchirurgie. Le programme tirerait aussi parti de technologies émergentes et prometteuses pour réduire davantage l’écart entre les simulateurs biologiques et non biologiques, comme la “micro-pompe” analogue à un cœur qui propulse une circulation pulsatile et dynamique à travers des vaisseaux non biologiques artificiels. »
Selon les chercheurs, il faudrait valider le programme après son élaboration et le comparer à des modèles de formation actuels en microchirurgie qui font appel à des animaux. S’il se révélait efficace, il pourrait réduire considérablement le recours aux modèles animaux, voire permettre de l’éviter.
« C’est un réel privilège pour un étudiant en médecine comme moi de travailler avec une équipe si talentueuse de résidents en chirurgie plastique sous la supervision de la Dre Thibaudeau », a ajouté Jad. « Les coauteurs de cette étude se distinguent par une expérience remarquable en recherche en simulation; les docteurs Zammit et Jaberi sont des chercheurs subventionnés par les IRSC qui poursuivent leur maîtrise en chirurgie expérimentale et en simulation, tandis que le Dr Al-Halabi est un doctorant qui s’intéresse à la pédagogie chirurgicale. Sans leurs conseils et leur supervision, cette étude n’aurait pas été possible. »
“Nonbiological Microsurgery Simulators in Plastic Surgery Training: A Systematic Review,” par Jad Abi-Rafeh, Dino Zammit, Mehrad Jaberi, et al, a été publié en ligne dans Plastic and Reconstructive Surgery en septembre 2019. Doi: 10.1097/PRS.0000000000005990