Alors que l’intelligence artificielle (IA) transforme le domaine de la traduction à un rythme effréné, les traducteurs et traductrices généralistes subissent une pression croissante. Les outils de traduction automatique (TA) et les solutions basées sur l’IA s’améliorent rapidement, et il est de plus en plus difficile pour les généralistes de rivaliser au chapitre du prix et de l’efficacité.
Il existe néanmoins une stratégie évidente pour conserver sa compétitivité dans le domaine de la traduction : la spécialisation. Cela consiste à choisir un domaine en particulier, par exemple la médecine, les sciences ou les domaines de pointe en recherche universitaire, et de devenir un expert ou une experte en la matière. La traduction juridique est un domaine particulièrement intéressant pour les traducteurs et traductrices qui souhaitent consolider leur avenir professionnel.

Pour dĂ©couvrir les avantages qu’offre la transition de la traduction gĂ©nĂ©rale Ă la traduction juridique, l’autrice a discutĂ© avec deux personnes qui ont fait ce choix et se sont inscrites au programme de diplĂ´me d’études supĂ©rieures en traduction juridique (DESS en traduction juridique) offert Ă l’École d’éducation permanente de l’UniversitĂ© 91ÉçÇř. Geneviève Marshall est traductrice du français vers l’anglais Ă©tablie Ă MontrĂ©al (QuĂ©bec). Elle vient tout juste de terminer son parcours (mars 2025). Jamie McLennan est pour sa part traducteur du français vers l’anglais, Ă©tabli Ă Winnipeg (Manitoba) et Ă©tudiant inscrit dans le programme. Voici ce qu’ils pensent de la spĂ©cialisation en traduction juridique.
Qu’est-ce qui vous a incité à passer de la traduction générale à la traduction juridique, et comment le DESS en traduction juridique vous a-t-il été utile en ce sens?
Geneviève : En tant que traductrice indépendante, je sais combien il est important de prouver sa valeur à la clientèle. Le DESS en traduction juridique m’a permis de me lancer dans la traduction juridique avec assurance.
Jamie : Avant de m’inscrire au programme, je traduisais à l’occasion des documents quasi juridiques depuis quelques années. J’aime ce travail; c’est stimulant, varié et jamais ennuyant. Et puis comme il manque de traducteurs et traductrices juridiques au Canada, ce changement était intéressant pour moi non seulement au chapitre de la satisfaction professionnelle, mais aussi de la consolidation de ma carrière à long terme. Le DESS en traduction juridique est le seul diplôme en son genre au Canada et il offre un programme qui convient aux réalités des professionnels et professionnelles en emploi. Cela m’a tout naturellement semblé être la prochaine étape pour moi.
Comment la spécialisation en traduction juridique a-t-elle influencé vos opportunités professionnelles, vos revenus potentiels et votre clientèle?
Geneviève : Je suis maintenant en mesure d’offrir mes services à une toute nouvelle clientèle. Le travail à la pige peut être intimidant, mais le fait de savoir que je dispose des outils nécessaires pour répondre aux besoins de la clientèle du secteur juridique a permis à mon entreprise de prospérer.
Jamie : J’ai toujours travaillé en tant que pigiste, mais je collabore maintenant avec d’autres traducteurs et traductrices pour développer mon entreprise et la faire évoluer progressivement dans le domaine juridique. Cela m’a ouvert de nombreuses portes, qu’il s’agisse de soumissionner pour des contrats gouvernementaux, d’offrir des services à des cabinets d’avocats et d’avocates locaux ou tout simplement d’élargir les services que j’offre à ma clientèle actuelle.
Quelles sont les compétences ou les connaissances les plus utiles que le DESS en traduction juridique vous a enseignées et que vous n’auriez pas pu acquérir autrement?
Geneviève : En tant que traductrice du français vers l’anglais au Québec, je suis maintenant très bien placée pour traduire des documents juridiques en m’assurant que le texte cible respecte la terminologie du droit civil en anglais.
Jamie : J’ai beaucoup appris sur notre système juridique et son influence sur notre vie au quotidien. De la complexité de nos tribunaux administratifs en passant par les défis que présente la corédaction de projets de loi fédéraux dans les deux langues officielles, j’ai pu approfondir ma compréhension du fonctionnement de notre pays tout en acquérant des compétences pratiques en traduction. L’histoire du Canada est étroitement liée à la croissance et à l’évolution de la traduction juridique comme profession. Même si j’avais l’intention de me spécialiser, je constate que ce diplôme a élargi ma perspective de façon inattendue.
Comment la spécialisation vous a-t-elle permis de vous démarquer dans un marché compétitif, en particulier dans le contexte actuel de la traduction, où l’IA joue un rôle de plus en plus important?
Geneviève : Les traducteurs et traductrices indépendantes doivent s’adapter au changement pour consolider leur carrière à long terme. Plus vous aurez de domaines d’expertise, plus vous aurez de succès. Depuis que je propose des services de traduction juridique, ma clientèle s’est considérablement élargie.
Jamie : Avec l’essor de l’IA, les traducteurs et traductrices doivent se spécialiser pour pouvoir apporter une valeur ajoutée à leur travail, au-delà de leur rôle de communicateurs et communicatrices, et d’artisans de la langue. Je ne suis pas le premier à le dire, mais il ne suffit plus de produire des « traductions de qualité ». Je pense que les traducteurs et traductrices feraient bien de se concentrer sur les secteurs qui accordent une grande importance à l’atténuation des risques. L’IA est un excellent outil, mais on ne peut pas s’y fier pour obtenir une précision parfaite. En tant que traducteur ou traductrice, il faut se demander : quels types de clients ou clientes ne peuvent pas se permettre de prendre des risques, et comment puis-je utiliser mes compétences et mon expertise pour les aider à se protéger?
Quels conseils donneriez-vous aux traducteurs et traductrices qui songent à se spécialiser en traduction juridique?
Geneviève : Je leur dirais : qu’attendez-vous?
Jamie : Selon moi, il s’agit d’une excellente décision pour les traducteurs et traductrices qui se considèrent comme des généralistes. Quelle que soit votre expérience, il y a probablement un domaine de la traduction juridique qui conviendra à votre personnalité et à vos intérêts. N’hésitez pas : la profession a besoin de vous!
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Alors que l’IA continue de transformer le monde de la traduction, on s’attend à ce qu’un nombre croissant de clients et clientes remplacent les traducteurs et traductrices généralistes par des solutions automatisées. La spécialisation, que ce soit en traduction juridique ou dans un autre domaine, permet d’avoir une plus grande sécurité d’emploi, des revenus potentiels plus élevés et des activités professionnelles stables à long terme.
L’expérience de ces personnes inscrites au DESS en traduction juridique montre que l’investissement dans une formation en traduction spécialisée peut mener à des opportunités enrichissantes tout en offrant un avantage concurrentiel dans ce marché en pleine évolution. Pour des traducteurs et traductrices généralistes qui cherchent à pérenniser leur carrière en traduction, la traduction juridique est peut-être la bonne solution.