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Architecture empathique

Kelvin Kung

Lorsque nous parlons de soins palliatifs, de maladie de longue durée, de décès et de mourir, cela penche en faveur des générations plus âgées. Mais les jeunes ont un grand intérêt dans cette discussion d’autant plus qu’ils sont plus souvent les aidants naturels pour leurs parents et grands-parents.

Kelvin Kung est un jeune architecte sur une mission pour imprégner l’architecture d’amour et de soin. Après avoir pris soin de son père qui avait un cancer pendant dix ans, il a décidé de faire face à ce qui a été pour lui un traumatisme et de le transformer en quelque chose de positif.

Des unités de soins intensifs aux soins palliatifs, Kelvin s’est souvenu de son expérience dans ces chambres et estime qu’elles pourraient mieux servir tous ceux qui les utilisent (médecins, infirmières, thérapeutes, soignants, et bien sûr, les patients), si certains éléments de design étaient repensés.

Elle Flanders (EF) :

Parlez-moi un peu de ce que vous entendez par une approche empathique de l’architecture? Comment le design peut-il aider?

Kelvin Kung (KK) :

Je pense que l’architecture est Ă  la croisĂ©e des chemins. Il y a une Ă©cole de pensĂ©e ou les architectes proposent une vision crĂ©ative très puissante et la laissent tomber et les gens doivent vivre avec. Je suis fan d’écouter ce dont les gens ont vraiment besoin : j’essaie de comprendre comment crĂ©er quelque chose qui va les aider dans leur vie, pour qu’il se sentent bienvenus. Pour moi, ce n’est pas une question de prestige ou de pouvoir, il s’agit de la crĂ©er quelque chose d’accessible et de connecter les gens. J’ai rĂ©alisĂ© cela lorsque j’étais Ă©tudiant Ă  91ÉçÇř. Il Ă©tait difficile de comprendre ce qu’était l’architecture. Je me suis demandĂ© pourquoi nous nous soucions de toutes ces formes. Rien de tout cela ne m’a vraiment parlĂ©. Je suis nĂ© Ă  Vancouver, mes parents n’étaient pas des professionnels. Mon père travaillait Ă  l’extĂ©rieur et ma mère m’a essentiellement Ă©levĂ©, moi et mon frère. J’ai senti qu’il devait y avoir plus dans l’architecture, alors j’ai beaucoup voyagĂ© et lu et j’ai rĂ©alisĂ© que je voulais faire quelque chose qui consiste Ă  aider les gens.

EF : Qu’est ce qui a orienté votre attention vers la santé et la conception d’hôpitaux?

KK : J’ai vu un concours de l’OAA (Ontario Association of Architects) cette année et le sujet était la santé et d’architecture. J’ai fait une sorte de phobie des hôpitaux parce que j’ai passé dix ans dans les hôpitaux pour m’occuper de mon père. Il avait reçu un diagnostic de cancer quand j`étais à l’école secondaire, et cela m’a tellement affecté que je n’étais pas sûr d’aller à l’université. C’était une forme grave de cancer et nous étions bouleversées en tant que famille. J’allais et venais des hôpitaux chaque jour. Lorsque mon père est décédé, j’ai complètement bloqué les soins de santé et la pensée hospitalière. Mais lorsque j’ai vu le concours, j’ai pensé que je connais si bien ces espaces et que j’ai juste besoin d’être courageux et de m’y pencher pour pouvoir aider les gens.

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EF : Aider les gens comment?

KK : J’ai passé tellement de temps en soins palliatifs et je pensais que cela pourrait être amélioré. Je me souviens que dans la chambre d’hôpital de mon père, il n’y avait qu’une chaise pour ma mere et alors, je m’asseyais parfois par terre. Si nous voulions apporter de la nourriture pour mon père car dans la culture asiatique, la nourriture est si importante et les odeurs sont réconfortantes. Je rentrais à la maison, le cuisinais et le rapportais. Ni même, sa musique préférée. Il aimait les Carpenters, les Beatles mais il n’y avait pas de système d’enceintes, il n’y avait rien. Je jouais cette musique sur mon portable (c’était avant les IPhone!) et je me souviens que son visage était soulagé et qu’il pouvait oublier un petit moment. Alors, j’ai pensé que je vais relever le défi et canaliser mes expériences dans mon « design thinking ». Tout m’est venu naturellement. J’ai pleuré plusieurs fois parce que j’avais refoulé toutes mes émotions mais j’étais naturellement curieux de faire de la recherche sur l’état des soins palliatifs et que la conception et la pensée modulaire se conjuguent facilement.

EF : J’ai vu vos créations et les changements sont subtiles. Pouvez-vous parler de ça?

KK : Oui, j’ai fait des nombreuses recherches sur la conception des salles de soins palliatifs et ma soumission concernait les hôpitaux existants et leurs services de soins palliatifs. Ma famille et moi étions bien reconnaissants que les soins palliatifs soient subventionnés. Nous n’aurions pas pu nous permettre des services supplémentaires. J’en venais en tant que personne moyenne : s’il vous arrivait d’être en soins palliatifs dans une hôpital, comment seriez-vous faire de petites choses réalistes et améliorées sans avoir à repenser tout un bâtiment.

Prenons, par exemple, j’essayais de concevoir un type d’assemblage simple au plafond qui peut intégrer des rideaux pour masquer les lumières pour avoir un éclairage diffus; des intégrateurs de haut-parleurs pour qu’on puisse simplement brancher, jouer et écouter votre musique préférée et permettre l’évasion. Aussi, intégrer une sorte de pièce virtuelle (VR) parce que je me souviens que mon père voulait aller à l’église; s’il avait eu des lunettes RV, il aurait pu participer virtuellement à une expérience religieuse. Dans le cadre des conditions d’assise, j’ai imaginé un 2e étage avec un rideau opaque parce que je me souviens que je devais faire mes devoirs pendant que je m’occupais de mon père. C’était très dure d’être silencieux et de ne pas le réveiller. De nos jours, quiconque est le proche aidant, a besoin de travailler pour subvenir aux besoins de sa famille, il pourrait avoir à prendre un appel de travail. Ils doivent être capable de le faire sans avoir à chercher un endroit pour le faire. Finalement, un rêve de ma part est d’avoir une petite kitchenette ou une famille peut cuisiner et parler de leurs plats préférés. Je crois que ces petits changements pourraient apporter beaucoup de valeur aux patients.

Je fais du tir à l’arc japonais et le concept de Kaizen est très puissant pour moi – de petits changements qui s’accumulent avec le temps. Lorsque nous sommes conscients de ce que de petits changements peuvent faire et que nous les faisons, les petits changements peuvent devenir de grands changements.

EF : Et maintenant?

KK : Idéalement, si nous obtenons une subvention pour faire toutes ces recherches, je pourrais les tester. J’espère que nous l’obtiendrons car il y a tellement de gens, des infirmières, des aides-soignants naturels, des personnes âgées, qui ont beaucoup à dire sur l’amélioration des salles de soins. A la fin, je voudrais publier un livre blanc pour résumer mes découvertes dans le New England Journal of Medicine. Et une conférence TED!

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