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Entretien avec Sam Victor, boursier BMO du CRIEM 2022-2023

Sam Victor
±Ê³Ü²ú±ô¾±Ã©: 9 September 2022

C’est avec grand plaisir que le Centre de recherches interdisciplinaires en études montréalaises (CRIEM) souhaite la bienvenue à Sam Victor, chercheur en anthropologie sociale et récipiendaire de la bourse postdoctorale BMO 2022-2023!

Originaire des États-Unis, Sam Victor a déménagé à Montréal en 2008, ville qui l’a chaleureusement adopté. Il est titulaire d’un baccalauréat en études françaises (Université Concordia, 2013), d’une maîtrise en anthropologie (Université de Montréal, 2018) et, très bientôt, d’un doctorat en anthropologie sociale (Université de Cambridge). Sam Victor est passionné par l’étude des dimensions éthico-morales et politiques de la rencontre interculturelle. Sa recherche focalise sur les aspects réflexifs et délibératifs des relations sociales, surtout les processus d’évaluation par lesquels les gens déterminent ce qui est important dans la vie ainsi que les stratégies de persuasion qu’ils élaborent afin de communiquer cela aux autres.

Qu’est-ce qui vous a motivé à étudier les dynamiques de la religion et de l’anthropologie sociale à Montréal? 

Je suis originaire des États-Unis et j’étais intéressé par l’étude de l’anthropologie et des relations entre les personnes de différents horizons culturels. Je m’intéressais particulièrement à l’immigration et à la réinstallation des réfugié·e·s. J’ai donc déménagé à Montréal pour ma maîtrise afin d’étudier dans un laboratoire à l’Université de Montréal qui se penchait sur les relations interculturelles. En anthropologie, on voyage généralement à l’étranger quand on fait de la recherche sur le terrain et en venant à Montréal, il fallait que je songe à un projet. Alors, j’ai pensé à mon domicile au Tennessee. Le secteur public à Montréal est impliqué dans la réinstallation des réfugié·e·s, mais il demeure clairement laïc. Il y a des organismes religieux, mais ceci est en fort contraste avec mon État d’origine, où le gouvernement local est totalement absent en matière du financement des infrastructures pour les services aux réfugié·e·s et aux immigrant·e·s. Tout est fait par la société civile et dans le cas du Tennessee, c’est fortement religieux et il y a de grands réseaux d’églises qui comblent ce vide. J’ai trouvé qu’expliquer cette différence serait intéressant pour beaucoup de gens à Montréal qui ont une perception négative des organismes religieux impliqués dans ce qui devrait être un service impartial et qui pensent qu’il y aurait des problèmes au niveau du prosélytisme. Je voulais explorer cette question parce que j’ai travaillé comme bénévole et stagiaire pour des organismes de réinstallation des réfugié·e·s au Tennessee. J’ai constaté que les personnes ayant de fortes convictions religieuses chrétiennes et conservatrices qui travaillaient dans cet espace avaient en fait de sérieuses réflexions sur le fait de vouloir fournir un service impartial sans s’imposer aux gens. Cette dynamique m’a amené à des questions plus larges sur la religion et le public. 

En quoi pensez-vous que votre projet de recherche refaçonnera notre compréhension de la religion et de la société à Montréal? 

Je pense que le projet de recherche que la professeure Hillary Kaell et moi entamerons prochainement sera éclairant grâce à l’étude approfondie d’une communauté qui essaie de comprendre ce que signifie être un organisme religieux avec des revendications sur l’espace public dans un contexte laïc à Montréal. Cela donnera lieu à une nouvelle compréhension de la manière dont les organismes religieux et les institutions laïques telles que les municipalités et les villes peuvent se communiquer entre elles la valeur sociale des espaces publics. En effet, ces espaces religieux ou affichés comme étant religieux n’interdisent pas nécessairement aux personnes de religions différents ou sans appartenance religieuse d’interagir ensemble et de créer un espace pluraliste. 

Pouvez-vous expliquer comment votre passage à Montréal pour vos études a guidé votre recherche et votre trajectoire universitaire? 

Je suis venu à Montréal pour étudier le français à Concordia et j’ai développé d’autres intérêts académiques au fil du temps, mais Montréal a toujours été vraiment accueillante. J’ai rencontré beaucoup de gens intéressants ici et j’ai toujours trouvé que les questions de société traitées ici sont stimulantes intellectuellement et très différentes de celles qu’on se pose chez moi. Montréal m’a aussi permis d’explorer. À Concordia, j’étais dans un environnement qui était majoritairement anglophone, même en étudiant la langue française, et quand je suis allé faire ma maîtrise à l’Université de Montréal, de l’autre côté de la montagne, c’était ma première véritable exposition au monde francophone. Mon expérience en tant qu’étudiant dans les deux universités m’a permis de voir les différences considérables entre ces deux univers et les interactions fascinantes entre les gens. Il sera intéressant de commencer mon travail à 91ÉçÇø, une institution anglophone de Montréal où je n’ai jamais été.  

Quels sont vos objectifs et vos attentes dans le cadre de votre mandat de stagiaire postdoctoral au CRIEM? 

Mener et développer ce projet de recherche serait la première chose. L’autre chose qui m’a attiré, c’est que le CRIEM est un centre de recherche interdisciplinaire et je pense que ce serait une excellente occasion de créer un réseau plus riche de personnes avec qui je peux faire de la recherche à mesure que j’avance dans ma carrière. Avoir l’occasion de recruter des étudiants de différentes universités qui peuvent participer à la recherche est aussi une très bonne expérience pédagogique pour moi. Il me semble que c’est un très bon choix pour cette étape de ma carrière. 

Comment votre vision comme boursier postdoctoral BMO créera-t-elle un précédent pour les futur·e·s universitaires qui mèneront des recherches au CRIEM ou sur Montréal en général?  

Cela pourrait donner un coup de pouce au niveau du recrutement d’étudiant·e·s qui interagissent entre les différents niveaux universitaires. L’une des choses qui m’ont le plus aidé pendant mes études était mes assistanats de recherche pour des professeur·e·s ou stagiaires postdoctoraux·ales. Ça a été une partie indispensable de mon propre parcours. J’espère offrir des opportunités aux chercheur·se·s qui pourraient être intéressé·e·s à travailler sur ce sujet ou à apprendre nos méthodes de recherche ethnographique. Je serai dans une position intermédiaire en tant que jeune universitaire qui apprendra d’un réseau de professeur·e·s et d’autres personnes qui travaillent au CRIEM. Donc, je pourrai tendre la main vers de nouvelles personnes et les amener dans cette direction également. 

Pouvez-vous parler de l’importance de préserver les églises patrimoniales et d’autres espaces religieux dans les zones urbaines qui deviennent de plus en plus laïques? 

Ce qui est intéressant avec cette question, c’est l’une des choses qui est aussi intéressante par rapport à mon étude des évangéliques à Montréal. Il·elle·s ont un discours complexe et critique sur l’importance des bâtiments patrimoniaux, en particulier dans une ville qui grandit, qui se développe et qui change de nombreuses façons, en plus de pencher souvent vers le développement commercial et privé au détriment des intérêts publics et sociaux. Dans un endroit comme Montréal, qui possède un patrimoine architectural majoritairement lié à l’Église catholique, ces édifices ont été conçus à l’origine pour avoir une fonction publique, ou du moins une fonction tournée vers la communauté. C’est intéressant de suivre comment les gens essaient au moins de maintenir leur fonction publique étant donné les autres types de développements en cours dans la ville. Certain·e·s critiquent la manière dont les villes déterminent quelles propriétés seront considérées comme patrimoniales ainsi que les avantages qui sont accordés à ces propriétés. Dans une ville qui a un fort héritage chrétien et européen tel que Montréal au niveau de la matérialité de son patrimoine, cela soulève des questions sur le statut patrimonial et privilégié des propriétés pour les peuples autochtones et les nouveaux groupes d’immigrant·e·s qui établissent leurs propres communautés religieuses. La prépondérance du christianisme dans l’infrastructure patrimoniale est une chose sur laquelle je pose un œil critique, comme le font les gens que nous étudions, qui veulent également prendre ceci en considération. Il sera intéressant d’étudier, à travers une approche de recherche laïque, des personnes qui interagissent avec des questions similaires, mais selon une perspective idéologique différente. 

Dans le cadre de votre recherche sur la réaffectation d’anciens espaces sacrés, comment concilieriez-vous la lutte entre les confessions religieuses conservatrices qui défient souvent les tendances pluralistes et une ville comme Montréal qui se caractérise par son fort sentiment de pluralité et de laïcité? 

Un groupe qui a des ambitions théologiques d’évangélisation ne va probablement pas faire appel aux sensibilités laïques pluralistes d’une municipalité ou d’un groupe de personnes en particulier. L’une des choses qui m’intéresse est leur façon d’interagir encore et d’avoir un impact positif sur les personnes qui pourraient être en désaccord avec eux, puis comment cette situation est perçue à l’inverse. L’un des concepts théologiques dont parlent les gens de l’église que nous étudierons est l’idée de « co-consécration », soit la notion qu’ils ne consacreront pas l’espace comme étant uniquement chrétien, mais bien ouvert à des usages pluriconfessionnels ou encore non religieux. Les personnes qui ne se consacrent pas ou qui n’utilisent pas un espace avec une intention religieuse ne vont probablement pas considérer qu’elles font partie de ce projet. La question qui me semble intéressante est de savoir si cela importe aux personnes qui se co-consacrent ou qui interagissent volontairement avec un espace en sachant que la co-consécration se produit, mais qui ne se voient pas comme faisant partie d’une vision explicitement religieuse. Il me semble que des groupes chrétiens plus conservateurs auraient davantage ce problème qu’un groupe progressiste qui n’a pas besoin d’affirmer son identité comme étant chrétienne ou différente du monde qui l’entoure, ce qui est une compréhension commune pour les évangéliques. 

En quelques mots, comment décririez-vous la métropole à des non-Montréalais·es? 

Froide (au niveau de la température). Passionnante. Complexe. « Joie de vivre ». 

En quoi consiste une journée parfaite à Montréal selon vous? 

Je pense qu’une bonne activité serait de faire du vélo près du Saint-Laurent. Apporter à manger et à boire au parc et tout simplement passer le temps sur l’herbe en regardant les gens. 

À propos de Montréal… 

Quartier(s) préféré(s) : Verdun.

Ouvrages sur l’anthropologie sociale et les études religieuses : After Pluralism: Reimaging Religious Engagement (Courtney Bender et Pamela E. Klassen, 2010); The Metaphysical Club: A Story of Ideas in America (Louis Menand, 2001); Aesthetic Formations: Media, Religion, and the Senses (Birgit Meyer, 2009).

Symboles incontournables : Le fleuve Saint-Laurent, le mont Royal, le Gibeau Orange Julep, les universités et leurs campus, le Main Deli. 

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